Le monde des mangas et animés sur Mark III et Master System.Le titre peut paraître incongru voire inapproprié dans la mesure où l’image de la Master System est très peu associée à la culture japonaise comparée à la Famicom ou à la PC-Engine.
Ceci s’explique facilement : la brève et discrète carrière de la machine au pays du soleil levant ne lui a pas permis de beaucoup fournir son catalogue local. Il faut bien avoir à l’esprit qu’en dehors de Tecmo (sous son label Salio), strictement aucun éditeur tiers japonais n’a produit de jeu pour cette 8-bit. Forcément, ça limite. C’est donc SEGA qui a tenu à bras le corps sa machine en rachetant des licences pour faire des adaptations maison. L’enjeu était de taille car si les portages de jeux d’arcade étaient vendeurs, il fallait aussi et impérativement des jeux pouvant fédérer le grand public autour de personnages déjà connus.
Même s’ils ne sont pas légion, les jeux tirés du pilier de la culture japonaise que sont les mangas et les animés existent bel est bien sur Master System. Malheureusement, aucun d’entre eux ne passera les frontières dans leur version originale. L’engouement actuel pour l’univers des loisirs japonais est relativement récent en occident et remonte au début des années 90. Acheter les droits pour produire un jeu coûtait déjà cher, et il fallait naturellement repasser à la caisse dans le cadre d’une diffusion à l’international. SEGA a préféré ne pas gaspiller inutilement de l’argent sur des territoires où les licences concernées étaient encore quasi inconnues. Tous ces titres ont par conséquent été retravaillés pour faire disparaître les références aux licences, quand ils n’ont tout simplement pas été annulés pour l’exportation.
Les voici dans l'ordre chronologique de leurs sorties au Japon.
Le bal est ouvert à l’été 1986 avec la sortie de
Hokuto no Ken.
On est à ce moment là au point culminant du succès de la série débutée sur papier en 1983, vite complétée par les épisodes TV, un film long métrage et quantité de produits dérivés.
A la vue de la violence crue de Ken le Survivant, comme on l’appelle chez nous, SEGA a logiquement choisi de produire un jeu de baston. Pas mal inspiré d’une référence de l’époque, SpartanX / Kung-Fu Master, il s’agit d’un beat’em all franchement réussi qui retranscrit bien l’univers post apocalyptique de la série. Le niveau technique est en plus vraiment relevé avec, choses rares pour l’époque, des scrollings différentiels et de gros sprites lors des confrontations avec les boss. On note qu’à cette occasion, le combat se fait dans une aire fermée, en un contre un et avec une barre de vie pour chaque personnage. Ce n’était vraiment pas courant à l’époque, une sorte de Street Fighter avant l’heure !
Genre : beat’em all - Taille cartouche : 128Ko – Nom occidental : Black Belt – Compréhension de la langue : inutile.Toujours en 86, mais cette fois en fin d’année,
High School ! Kimengumi (Le Collège Fou Fou Fou chez nous) débarque sur la machine.
Une fois de plus, SEGA vise juste en jetant son dévolu sur une franchise à succès en pleine exploitation. Cette fois, le résultat est une déception. Il s’agit d’un petit jeu d’action-exploration. Tout se déroule dans l’enceinte d’un établissement scolaire dont il faut arpenter les salles afin de récupérer les bons objets qui vous permettront de progresser dans l’aventure. Les traits des personnages sont bien reconnaissables et attirent un certain capital sympathie, mais le soft dans son ensemble est quand même plutôt indigeste, desservi par une réalisation technique médiocre. Il n’y a d’ailleurs pas de mystère, le jeu ne sera même pas relookée pour une sortie occidentale. Pour les inconditionnels des « Joyeux Loufoques » sachez que le japonais est indispensable, mais un fichier est disponible sur « SMS Power ! » pour patcher la ROM afin de pouvoir y jouer en anglais.
Genre : action/exploration – Taille cartouche : 128Ko – Nom occidental : néant – Compréhension de la langue : indispensable.Sukeban Deka II - Shoujo Tekkamen Densetsu sort au printemps 87.
Totalement inconnue chez nous, cette série sur fond d’intrigue policière fait la part belle aux étudiantes en uniforme, décidément très prisées des japonais ! Le jeu combine des ingrédients d’action et de beat’em all en y intégrant des éléments flirtant avec le digital comic. La réalisation tient la route et respecte bien l’esprit de l’œuvre originale, mais le jeu n’a rien d’exceptionnel et s’avère surtout beaucoup trop court, dommage.
Genre : action/aventure – Taile cartouche : 128Ko – Nom occidental : néant – Compréhension de la langue : indispensable.
Akai Koudan Zillion, encore au printemps 87, va quant à lui accéder au rang de classique de la Master System.
La sortie du jeu coïncide avec le début de la diffusion de l’animé à la TV. Situé dans un monde résolument futuriste, votre héros va devoir explorer les moindres recoins d’une base en prenant garde aux ennemis qui la parsèment. Il faudra faire aussi travailler un peu ses méninges, car un système de code assez original est employé pour piloter les ordinateurs auxquels on a à faire dans les salles. Le jeu est objectivement excellent même si il a assez mal vieilli. Le feeling est très « old school » avec des contrôles assez rigides, mais le programme mérite qu’on dépasse ces défauts tant il est bien ficelé. SEGA a fait un gros effort marketing à l’époque sur ce titre qui fut étroitement lié à sa console. A tel point que le pistolet du héros dans l’animé est…un Light Phaser (muni de son fil)! Vraiment amusant, mais aussi intriguant quand on sait que ce périphérique ne sortira que sur le marché occidental. Au Japon, SEGA l’a sorti sous forme de jouet électronique qui, combiné à un capteur porté sur le corps, permettait de faire du tir « pour de vrai ».
Genre : action – Taille cartouche : 128Ko – Nom occidental : Zillion – Compréhension de la langue : cartouche hybride adaptant le texte à la nationalité de la console.Eté 87,
Anmitsu Hime emboîte le pas. C’est à la base une vieille œuvre datant de l’après guerre, qui est ensuite passée par la case TV Drama (les feuilletons populaires japonais). Le jeu profite de la sortie très tardive de l’animé. Voilà un soft d’aventure moyen voire correct, avec quelques passages de plates-formes qui apportent un peu de variété. Comme il y a pas mal d’objets à récupérer et de personnages avec qui discuter, n’espérez pas avancer si vous ne maîtrisez pas le japonais. Il faudra alors se rabattre sur "Alex Kidd in High Tech World". Hé oui, SEGA qui se cherchait une mascotte s’est servi de ce jeu pour mettre en scène une nouvelle fois son héros en occident. Le titre a été fortement remanié, les sprites remplacés, et l’aventure modifiée. Quelques clins d’œil à l’univers de la marque ont même été inclus. Honnêtement, même s’il est considéré comme l’un des moins bons de la série Alex Kidd, le jeu est plus plaisant à parcourir dans cette version non japonaise.
Genre : aventure/plates-formes – Taille cartouche : 128Ko – Nom occidental : Alex Kidd in High Tech World – Compréhension de la langue : indispensable.
Fin 87, Zillion qui a connu son petit succès d’estime engendre une suite :
Tri Formation. Bizarrement, alors que la citation de la licence figure bien sur la boite et l’écran titre, aucune mention du mot Zillion n’est présente. Par contre, pas de doute, il s’agit du même univers et du même héros. Le jeu prend une tournure beaucoup plus arcade, une partie se fait au guidon d’une moto qui sollicitera vos réflexes en vue latérale. Des passages à pied ont aussi été conservés. La réalisation est un cran au dessus, surtout au niveau des graphismes et des musiques : la cartouche fait partie des premières à tirer partie du module FM optionnel de la Mark III, intégré de série aux Master System japonaises.
A l’usage, ce soft ne se hisse pas au rang de hit mais laisse une bonne impression. L’alternance entre les phases d’action à pied et celle à moto constitue une très bonne idée.
Genre : action – Taille cartouche : 128Ko – Nom occidental : Zillion II The Tri Formation – Compréhension de la langue : inutile.Tensai Bakabon sort au printemps 88. Pour ceux qui ne connaîtraient pas cette série relativement ancienne, disons pour caricaturer un peu qu’il s’agit d’un genre de « Simpsons à la japonaise ». L’ambiance est y résolument humoristique pour ne pas dire déjantée. Le jeu est très fidèle aux traits originaux qu’on reconnaît au premier coup d’œil. Son déroulement fait un peu penser à "Anmitsu Hime" décrit plus haut. Là encore, le japonais est indispensable sous peine d’être vite bloqué et/ou de passer à côté des moments amusants. Réalisation manga-cartoon honnête mais jeu loin d’être inoubliable.
Genre : action/aventure – Taille cartouche : 256Ko – Non occidental : néant – compréhension de la langue : indispensable.
Kujaku Ou est mis sur le marché à l’automne 88, il reprend une série de mangas et un OAV faisant la part belle à la chasse aux démons dans une contexte occulte et mystique. Le programme est une combinaison de scènes d’action est d’aventure légèrement soupoudrées de RPG. Les phases de jeu sont bien indépendantes les unes des autres, dans des décors de japon féodal non dénués de charme. Il est de plus intéressant de gérer et d’utiliser plusieurs sorts au cours de votre quête. Un effort notable a été fait pour exploiter les possibilités de la Master System, la réalisation est solide, avec des graphismes léchés et une animation soignée, surtout lors de certains affrontements avec les boss. On sent que SEGA n’a pas voulu produire un jeu anecdotique. C’est tout à fait réussi, seuls quelques défauts empêchent le soft d’être un incontournable de la machine. Certains passages manquent de dynamisme, l’ensemble du jeu est assez linéaire malgré l’alternance action/aventure et ne propose pas vraiment de surprises. Enfin, la durée de vie est un peu juste.
Genre : action/aventure – Taille cartouche : 512Ko – Nom occidental : Spellcaster – Compréhension de la langue : indispensable.
Avant dernier jeu sorti par SEGA avant l’abandon de la Master System au Japon,
Chouon Senshi Borgman fait son apparition en toute fin d’année 88. Tiré d’un animé (pas de mangas pour cette fois), il vous fait prendre le contrôle d’un androïde devant nettoyer une base de tous ses aliens. Il faut emprunter judicieusement des ascenseurs pour faire le ménage dans les différents niveaux, tout en gardant un œil attentif sur votre radar, destiné à anticiper les mauvaises rencontres. Le concept se rapproche grandement du premier Zillion. La comparaison s’arrête là: même si les graphismes sont plus flatteurs, l’action est beaucoup trop répétitive et le titre laisse un sentiment assez fade.
Genre : action – Taille cartouche : 128Ko – Nom occidental : Cyborg Hunter – Compréhension de la langue : peu utile.Enfin, concluons ce petit tour d’horizon avec cette parenthèse frôlant le hors sujet. Même s’il n’est tiré ni d’un manga, ni d’un animé,
Teddy Boy Blues est un jeu à licence qui emprunte un élément de la culture japonaise, en l’occurrence la J-Pop ! En 1985, le single éponyme de Yohko Ishino brille dans les classements. SEGA achète les droits pour en faire un petit jeu de plates-formes en arcade, incluant la bande son, histoire de surfer sur le succès du tube. Le soft fait partie du lancement de la Mark III en fin d’année aux côtés de Hang-On. Le jeu est sympathique mais on ne peut plus basique, il a naturellement été privé de sa mélodie phare lors de sa sortie chez nous !
Genre : plate-formes – Taille cartouche : 32Ko (carte) – Nom occidental : Teddy Boy – Compréhension de la langue : inutile.
Voilà donc le petit, mais bien réel, monde de l’animé et du manga sur Master System. Comme vous pouvez le voir, il nous a offert de beaux souvenirs (Hokuto no Ken, Zillion, ...) mais aussi des spécimens fort dispensables (H.S. Kimengumi, Borgman, ...). Ceci dit, sur l’ensemble des consoles, lorsqu’on regarde le niveau général des jeux bénéficiant de la licence d’un média japonais, le bilan n’a rien de scandaleux…On peut simplement regretter qu’à la vue du vif succès rencontré plus tard par la machine sur les marchés européens, brésiliens et australiens, certains éditeurs tiers n’ait pas repris le flambeau et tenté leurs adaptations. Des séries comme Dragon Ball ou Akira auraient à coup sûr trouvé leur public en Europe, les mangas et animés étant entre temps devenus très populaires, et la Master System s’étant vendue par millions…